Entretien. Guillaume Martin, « l’appétit vient en mangeant »

 Juste avant de se tester sur le Mont Ventoux Challenges, l'Ornais de 26 ans, cycliste professionnel chez Cofidis,  s'est prêté à une interview, retraçant sa vie, ses choix, tout en nous confiant ses prochains objectifs...

 Guillaume Martin, 12e du dernier Tour de France, sort d'une préparation collective et individuelle, très satisfaisante, de bons augures pour la suite...                                        

Lorsque vous avez commencé le vélo, dans la petite ferme de vos parents, pensiez-vous devenir le cycliste que vous êtes aujourd'hui, où cela n'était qu'au début un plaisir ?

C'était bien sûr par plaisir, bien évidemment, et c'est d'ailleurs encore, forte heureusement le cas. Ensuite « L'appétit vient en mangeant », et au fur et à mesure que j'avançais dans mon parcours, qui plus est jalonné de bons résultats, m'ont permis de nourrir des ambitions.

Vous êtes par rapport à l'image que le grand public se fait des sportifs une certaine antithèse, avec votre master de philosophie, acquit en 2015 à l'Université de Paris-Nanterre ?

Peut-être si l'on se place par rapport à l'image que le grand public à des sportifs, cependant ce n'est pas ce que je ressens dans ce que je vis. Beaucoup de sportifs sont très intelligents dans le sport, seulement ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur. C'est un problème de la société et non pas des sportifs.

Dans ton livre, « Socrate à Vélo », tu associes à la manière de Nietchze le corps et l'esprit, un alliage qui fait ta force sur un vélo?

Je ne dirai pas que cela est une histoire de force, mais de conception. Selon moi le corps et l'esprit ne font qu'un, ils forment une unité.

En 2014, tu rejoins la FDJ en tant que stagiaire pro, tandis qu'en parallèle tu continuais tes études avec ton master. Comment as-tu réussi à concilier les 2 ?

C'est avant tout une histoire d'envie et de volonté, lorsqu'on fait ce qu'on aime c'est tout de suite plus facile, cependant cela demande une organisation parfaite afin de ne pas se perdre et de performer sur les 2 fronts. Grâce à mon statut de sportif de haut-niveau, j'ai pu bénéficier de certains dispositifs pour faire mon master à distance, ce qui rend les choses plus faciles.

On ressent dans tes performances que ta carrière décolle vraiment chez FDJ, le relief plutôt faible de la Bretagne (il était chez Sojasun) ne te correspondait pas ?

Je faisais des courses en Bretagne sur des parcours assez plat, qui correspondait un peu moins, j'avais gagné tout de même avec Sojasun le Tour du Jura en espoir 2. Quand je suis arrivé à Etupes (dans le doubs, en région Bourgogne-Franche-Comté), j'ai fait des courses plus montagneuses donc forcément j'avais plus de meilleurs résultats.

En 2015 après une saison aboutie, avec notamment la victoire lors de Liège-Bastonne-Liège espoir ainsi qu'une étape du Tour de l'Avenir, tu rejoins la Wanty-Group-Gobert, une équipe continentale pro belge. Pourquoi ce choix ?

Malgré mes résultats assez satisfaisants, ce fut assez compliqué. J'ai eu beaucoup de contacts mais peu de propositions. En fin d'année Wanty me fait une proposition et à ce moment-là je ne fais pas le difficile et accepte ce que l'on me propose. Et finalement a posteriori c'est la meilleure chose qui pouvait m'arriver puisque j'ai pu grandir dans cette équipe sereinement, et avoir des responsabilités assez vite.

Malgré ta blessure en début de saison qui a retardé tes débuts sous tes nouvelles couleurs, ton intégration s'est-elle bien passée ?

Il est clair que cela a été particulier car je n'ai pas pu courir en début de saison. Néanmoins le staff de Wanty à bien géré le problème en m'orientant vers les meilleures spécialistes pour me faire opérer. À aucun moment ils m'ont mis la pression.

D'ailleurs l'équipe connaît 3 invitations successives sur le Tour de France de 2016 à 2019, vous êtes donc plutôt bien tombé ?

J'ai en effet grandi à la même vitesse que l'équipe, le Tour de France m'a énormément fait grandir que ce soit en expérience où en performance. J'ai contribué à faire grandir l'équipe. C'était un beau parcours ensemble et j'en garde d'excellents souvenirs.

Même si tu es encore jeune, quelle est pour toi, ta saison la plus aboutie jusqu'à présent ?

Je trouve que je progresse d'année en année, j'évoquerai donc logiquement la saison dernière, avec en figure de proue ma 12e place sur le Tour de France ainsi qu'une bonne régularité tout au long de la saison, dont je suis fière.

Une régularité qui pourrait t'ouvrir prochainement les portes de l'équipe de France (il y a figuré en 2016 mais en tant que remplaçant), c'est un objectif ?

Effectivement c'est un objectif que j'espère réaliser très prochainement, j'ambitionne de faire les championnats du monde cette année, en Suisse et pourquoi pas les JO, l'année prochaine.

Comment s'est passée ton intégration à la Cofidis, équipe avec un fort contingent français ?

Le Covid 19 a un peu perturbé cela dans un premier temps, mais là on sort d'un stage de 15 jours dans les Alpes qui s'est super bien passé. On a tous hâte de reprendre la compétition et que la saison commence enfin !

Tu fais ton retour à la compétition lors du Mont Ventoux Challenges (le 6 août ), une course où on retrouve la crème des grimpeurs, tu es pressé de te mesurer à eux ? As-tu un objectif personnel ?

Dans les courses de début de saison, on retrouve toujours une adversité forte, et c'est à cela que je souhaite me confronter. Je veux me tester face à ce qui se fait de mieux afin de voir où j'en suis et si ma préparation va porter ses fruits.

A noter : Guillaume Martin a réalisé une superbe course, en terminant 3e où seul Vlasov (Astana) et Richie Porte (Trek) on réussi à le devancer, preuve que l'Ornais est prêt à en découdre!

À 26 ans, doté de capacités de grimpeur et de leader indéniable, te sens-tu prêt à faire une grosse performance sur le Tour de France ? 23e en 2017, 21e en 2018 et 12e en 2019, la suite logique c'est le top 10 ?

Mon objectif peut très bien être le top 10, comme les étapes et le maillot à pois, tout dépend de comment la course se déroule il faut aussi discuter avec la direction, pour l'instant je vais faire mes premiers blocs de courses et puis on verra ensuite.

Ce n'est pas un objectif prédéfini, tout dépend du temps que tu vas gagner ou perdre ?

On va faire un point après le Dauphiné avec le staff et la direction et on verra à ce moment-là.

Chez Cofidis tu te sens mieux entouré, notamment lorsque les pentes deviennent plus ardues ? Là où chez Wanty tu étais pour le moins esseulé.

Il est clair que cela faisait partie des raisons pour lesquelles, j'ai changé d'équipe. On a une plus grande densité chez Cofidis, expliqué notamment par le fait que la Cofidis est une équipe World Tour contrairement à Wanty qui est une ligue en dessous. Pour le Mont Ventoux Challenge on a une équipe assez solide et homogène avec pas mal de bons grimpeurs, ce qui nous offre une force de frappe intéressante.

Cédric Vasseur (directeur général), annonce pour le Tour de France que 2-3 coureurs t'accompagneront en haute montagne. D'après qui sera le second avec Herrada ?

C'est compliqué de répondre à cela maintenant, ce genre de chose sera finalisé après le Dauphiné. Néanmoins Nicolas Edet a montré ses capacités en montagne ainsi que sur les grands Tours.

La dernière victoire d'étape de la Cofidis sur le Tour de France remonte à 2008, cette année c'est la bonne ?

Il est clair que cela fait une longue période de disette, et c'est certain que cela fera partie des ambitions de ce Tour de France.

Tu as reconnu le Col de la Loze durant ta préparation, on peut attendre un coup de panache de ta part lors de cette étape ?

Il est clair que ce sont des pourcentages qui me correspondent, elle fait partie des étapes du Tour qui peuvent me plaire...

À l'instar de François Bidard, autre coureur Ornais, souhaites-tu, toi aussi devenir agriculteur après ta carrière ?

Mes parents possèdent 10ha et des ânes mais ce n'est pas leur activité principale, néanmoins dans ce lieu ce qui m'intéresse le plus, ce sont les gîtes. Après ma carrière c'est une activité que je souhaite développer.

Te sens-tu sous-coté dans le cœur du grand public français, malgré des performances tout de même très intéressantes ? Comment expliques-tu cela ?

Cela est sûrement lié au faîte qu'en France, on a aujourd'hui, une très grande densité de coureurs et l'on est plus facilement anonyme. De plus j'étais dans une équipe étrangère, qui plus est continentale pro, m'offrant donc un peu moins de visibilité. Porté le maillot à pois 3 jours marque plus le grand public que finir 12e du Tour de France.

On souhaite donc à Guillaume Martin beaucoup de réussite sur le Tour de l'Ain ( du 7 au 9 août, il a terminé 7e lors de la 1ère étape à seulement 10'' du vainqueur), sur le critérium du Dauphiné (12 au 16 août), les championnats de France(23 août) et enfin le Tour de France où l'on espère que son nom reviendra souvent!

         Palmarès professionnel:

• 2016
  • 2e du Tour d'Autriche
• 2017
  • 4e étape du Tour du Limousin
  • Tour du Gévaudan Languedoc-Roussillon :
    • Classement général
    • 1re étape
  • Tour de Toscane :
    • Classement général
    • 2e étape
  • 3e du Tour du Jura
• 2018
  • Circuit de la Sarthe :
    • Classement général
    • 3e étape
  • 3e du Tour du Finistère
  • 3e des Boucles de l'Aulne

• 2019
  • 4e étape du Tour de Sicile
  • 2e du Trofeo Ses Salines-Campos-Porreres-Felanitx
  • 2e du Tour de Sicile
  • 3e du Tour du Limousin-Nouvelle Aquitaine
  • 3e du Tour du Doubs
  • 3e du Mémorial Marco Pantani
  • 8e du Tour de Catalogne
• 2020
  • 3e de la Classic de l'Ardèche
  • 3e du Mont Ventoux Dénivelé Challenges